Grand stade : Madrelle reste de glace face à Triaud

Publié le par Daemond14

Hier, la rencontre entre le président du Conseil général et Jean-Louis Triaud, patron des Girondins de Bordeaux, n'a pas débloqué le dossier

 

JLT and Madrelle
Gilles Savary, Jean-Louis Triaud, Philippe Madrelle et Vincent Piofret, hier matin au Conseil général. (Photo Thierry David)

Bloqué à Biarritz pour cause de neige sur l'aéroport de Bordeaux, Nicolas de Tavernost, patron de M6, actionnaire majoritaire des Girondins, n'a pas pu honorer le rendez-vous qu'il avait pris, hier matin, avec Philippe Madrelle, le président PS du Conseil général de la Gironde. La rencontre au sommet sur le projet de grand stade a néanmoins eu lieu, puisque Jean-Louis Triaud - président des Girondins - s'est rendu sans encombre à l'hôtel du Département. Il a passé un très long moment dans le bureau du président Madrelle, en compagnie de Vincent Piofret, un expert en financement des projets de BTP recruté par les Girondins pour suivre le dossier du grand stade. Résultat : match nul. Comme prévu, Jean-Louis Triaud a tenté de convaincre Philippe Madrelle de participer au financement du stade, et ce dernier a réitéré son opposition formelle.

« On a parlé viticulture »

Interrogé juste après, le président du Conseil général a manié l'ironie : « Jean-Louis Triaud est un homme très courtois et charmant, nous nous connaissons bien. Nous avons profité du rendez-vous pour évoquer la situation de la viticulture, qu'il connaît bien et qui est préoccupante. On a beaucoup parlé de ça, et un peu du stade aussi bien sûr ! Mais la viticulture, ça, c'est un vrai souci dans le département. » Le grand stade, en revanche, n'en pose aucun à Philippe Madrelle. Flanqué de son vice-président Gilles Savary, il a martelé : « Le Conseil général est dans l'impossibilité de participer au financement du projet de grand stade, sauf à augmenter massivement les impôts. C'est indépendant de notre volonté, nous préférerions faire partie du projet. Le budget devient très difficile à boucler et il y a d'autres priorités. Songez que nous avons 50 000 demandes de logement social non satisfaites ! »

Philippe Madrelle estime qu'un grand stade est « nécessaire et légitime pour une agglomération comme Bordeaux, qui a une telle équipe de foot », mais le construire « suppose des décisions courageuses. On ne peut pas vouloir un nouveau stade et garder l'ancien qui tombe en ruine. Quand on veut se payer une Rolls, on commence par vendre la Jaguar. »

Comme il l'avait déjà exprimé, Philippe Madrelle conseille à Alain Juppé de détruire l'actuel stade Chaban-Delmas et de vendre les terrains pour boucler le budget du futur stade. « S'il garde le stade Chaban et fait construire un nouveau stade, cela veut dire que M. Juppé a décidé de rançonner le contribuable bordelais », ajoute Gilles Savary. D'autant que, selon lui, il manque 45 millions d'euros et non 15 pour boucler le budget du stade (évalué à 200 millions d'euros) : « L'État devait donner 50 millions d'euros, il n'en donnera que 20, il en manque donc 30. Si on ajoute les 15 millions d'euros que l'on nous réclame, on voit qu'il manque au minimum 45 millions d'euros, et je ne parle pas du coût des aménagements extérieurs au stade. » Dernière flèche décochée par Philippe Madrelle en direction de la mairie de Bordeaux : « J'ai trouvé Jean-Louis Triaud assez fataliste, mais son fatalisme ne s'adressait pas à nous. Il a parfaitement compris notre position. Il sait que si les porteurs du projet ne prennent pas les décisions courageuses qui s'imposent, le grand stade ne verra pas le jour. Et il ne fera pas du Conseil général le bouc émissaire de ce dossier. »

Habitué aux négociations ardues avec les joueurs, Jean-Louis Triaud essayait hier après-midi de relativiser le veto madrellien : « J'ai essayé de le convaincre que le Département ne peut pas être absent d'un projet comme celui-là. On est conscient des difficultés financières du Conseil général, mais ce projet porte sur les trente ou quarante ans à venir. Il ne tombe peut-être pas au bon moment, mais il y a maintenant une opportunité à saisir : le club s'engage à la limite du raisonnable et l'État aide au financement. Ce nouveau stade nous coûtera 30 fois plus que l'actuel, soit 7 à 8 millions d'euros par an, et au bout de trente ans, on ne sera propriétaires de rien. Donc, c'est un gros sacrifice pour les Girondins. Maintenant, si cela ne se fait pas, on s'adaptera. Je rappelle que nous ne sommes ni à l'initiative, ni demandeurs de ce projet. Philippe Madrelle n'a pas fermé la porte, il m'a dit qu'il réfléchissait. Il faut laisser mûrir. »

Fallait-il faire à la fois le stade et l'Arena ?


Pendant que la Communauté urbaine de Lille (Lille métropole) confie à l'architecte bordelais Pierre Ferret la construction d'un stade de 50 000 places pouvant se transformer en salle de spectacle de 7 000 à 60 000 places, celle de Bordeaux vote la construction par un groupe privé d'une salle de spectacle à Floirac (l'Arena, 15 000 places) et se prépare à injecter en même temps 15 millions d'euros dans le futur grand stade de Bordeaux-Lac. La CUB n'aurait-elle pas mieux fait de s'inspirer de l'exemple lillois, en misant sur un équipement unique capable d'accueillir à la fois le sport et les grands concerts ? « Bien sûr que si, répond Alain Juppé, c'est ce que j'ai pensé dès le début. Mais le coup Arena est parti plus tôt que le projet de stade. » Le maire de Bordeaux paie ici sa conversion tardive au projet de stade.

Le revirement de Juppé

À la CUB, un proche du président Vincent Feltesse rappelle que l'Arena a été voté en juillet 2008, époque où il n'était pas question de construire un nouveau stade. Avec un brin de perfidie, il précise que, durant la campagne des élections municipales de 2008, le candidat PS « Alain Rousset avait parlé d'un grand stade, et Alain Juppé, qui avait le président Triaud sur sa liste, avait répondu : le stade des Girondins, c'est Chaban-Delmas. La question n'est revenue qu'au printemps 2009, au soir de la victoire des Girondins en finale de la Coupe de la Ligue. Là, Alain Juppé a à son tour lancé l'idée d'un grand stade, en s'appuyant sur la perspective de la candidature de la France à l'Euro 2016. » D'ailleurs, en janvier 2009, interrogé sur la possibilité que Bordeaux puisse passer à côté de l'Euro 2016 en raison de la vétusté du stade Chaban-Delmas, Alain Juppé avait répondu que, moyennant quelques travaux, l'antique Chaban ferait l'affaire.

Feltesse promet 15 millions

De son côté, la CUB n'a jamais évoqué la possibilité de réétudier le projet Arena pour tenir compte des besoins d'un nouveau stade. Le projet Arena faisait partie de l'accord de cogestion qui régit les relations politiques entre les communes (système d'échange de soutiens croisés entre les maires), alors que le projet de grand stade ne figure sur aucun document de la Communauté urbaine. Le président Feltesse a apporté son soutien au projet et promis 15 millions d'euros, mais aucun vote n'a eu lieu à ce jour. Arena file donc seul devant, porté par son permis de construire obtenu le 28 décembre dernier.

Si le projet de grand stade aboutit, Bordeaux disposera donc d'un nouvel équipement sportif de grande jauge et d'une salle de spectacle de haut niveau. Les deux étant financés pour tout (Arena) ou partie (stade) via des fonds privés. Ce ne serait pas un cas de dispersion des moyens liés à la cogestion, sauf que la CUB devra payer deux campagnes d'aménagements connexes (voirie, transports). Pierre Ferret, l'architecte du futur stade de Lille insiste sur les différences entre les deux agglomérations : « À Lille, le club du LOSC n'a pas de stade, il joue à Villeneuve-d'Asq ! Il en fallait donc un. Il y a aussi un Zénith, ce qui n'empêche pas de faire un stade qui accueillera des spectacles. Tout cela est complémentaire. La structure unique qui serait parfaitement polyvalente, cela n'existe pas. »

Tavernost se dit « inquiet »


« Nous sommes inquiets, soucieux sur ce grand stade », a déclaré M. de Tavernost, interrogé par France 3 Aquitaine après la rencontre entre le président du club, Jean-Louis Triaud, et Philippe Madrelle. « Nous ne sentons pas une mobilisation extrêmement forte », a-t-il ajouté. Selon Nicolas de Tavernost, la situation est « très paradoxale » car « l'État et le club font des efforts sans aucune commune mesure à ce qui s'est produit dans villes. [...] Il y a plus de 60 % du financement supposé du Grand stade qui est assuré par le club et par l'État », a souligné le président du directoire de M6 qui a rappelé qu'il avait d'abord été demandé entre 80 et 85 millions d'euros. « Nous sommes montés à 100 millions d'euros », a-t-il insisté. Pour lui, « que ce soit dans deux ans, cinq ans ou dix ans, il faudra un équipement tôt ou tard à Bordeaux », en remarquant que le stade Chaban-Delmas (32 000 places), qui accueille les matches des Girondins, « n'est pas adapté à faire du rugby, du football, de grands événements sportifs parce qu'il est obsolète pour des tas de raisons. Il n'est plus aux normes, d'ailleurs la Fifa et l'UEFA l'ont fait remarquer », a dit M. de Tavernost.

Auteur : Denis Lherm
Sud Ouest

Publié dans Revue de presse

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